Les animaux sont partout dans nos vies ; dans nos assiettes, nos vêtements, nos meubles ; les chiens et les chats nous accompagnent ; nous chassons ou pêchons ; nous utilisons les animaux pour l’expérimentation médicale et nous les admirons au zoo ou au cirque. J’ai choisi de me concentrer d’abord sur le premier item, la production et la consommation de viande
», explique le chercheur, dont l’intérêt pour la condition animale s’est renforcé lorsqu’il a réalisé que la question était très peu étudiée par les économistes, alors qu’elle avait une véritable place en philosophie et en droit.
14,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre
« Le secteur de l’élevage est aujourd’hui sous perfusion de fonds publics et pourtant ses impacts sanitaires, environnementaux et moraux sont massifs », observe Nicolas Treich. La production de viande pollue localement nos rivières et notre air. C’est aussi la première cause de perte de biodiversité dans le monde. Plus de 70% de la déforestation en Amazonie est imputable à l’élevage. C’est aussi le cas de 14,5% de nos émissions mondiales de gaz à effet de serre.
« Il y a un consensus dans le monde intellectuel sur la nécessité de diminuer la consommation de viande, mais ce secteur, contrairement à l’automobile ou l’énergie, est très peu impacté par les régulations climatiques », affirme Nicolas Treich.
Spécialiste de l’analyse coût-bénéfice, le chercheur réfléchit aux ressorts et aux impacts d’une économie de la viande plus vertueuse. « Le recherche en économie ne s’intéresse pas aux animaux en général. Quand elle s’y intéresse, elle analyse la production des animaux, au même titre que celle d’autres biens de consommation, sans aucune vision morale. Mais les animaux ne sont pas des biens comme les autres : ils ont un cerveau, un système nerveux, ils ressentent de la souffrance et du plaisir. Ils sont ce qu’on appelle aujourd’hui sentients ».
Le paradoxe de la viande
Nicolas Treich s’intéresse au « paradoxe de la viande ». En clair, aux raisons qui font que les consommateurs, alors qu’ils ne veulent pas faire du mal aux animaux, mangent pourtant de la viande. Dans une étude, il a observé avec ses coauteurs que « plus les consommateurs mangeaient de la viande, plus ils minoraient les souffrances des animaux ». Au contraire, dit-il, les gens qui mangent peu ou pas de viande ont un bien meilleur niveau d’information.
Le contraste est encore plus marqué lorsqu’on amène les personnes à se justifier : les omnivores sont beaucoup plus enclins que les flexitariens ou végétariens à approuver le fait que la consommation de viande est « naturelle, normale ou nécessaire ».
Selon le chercheur, « si les consommateurs se voilent la face, cela implique que l’information sur les conditions d’élevage, notamment via la mise en place de labels, peut constituer un levier d’action efficace pour modifier les pratiques ».
Le travail des ONG qui sensibilisent l’opinion publique sur les souffrances animales par des vidéos, lui semble fructueuse pour cette raison. Nicolas Treich a également testé, avec son collègue Romain Espinosa, l’influence des discours des ONG sur les croyances et les pratiques des consommateurs (voir vidéo).
Lundi vert
En janvier 2019, l’économiste a lancé, par ailleurs, l’opération « Lundi vert », avec le psychologue Laurent Bègue de l’Université de Grenoble. L’initiative consiste à manger végétarien (ni viande ni poisson) le lundi. Un manifeste, signé par 500 personnalités et publié dans Le Monde, explique les impacts positifs provoqués par une telle pratique sur la santé et l’environnement, et une étude sur les participants a été publiée dans une revue de nutrition.
L’initiative a fait tache d’huile et été mise en œuvre à la rentrée d’octobre 2019 par les 800 restaurants universitaires de France. « Quand les habitudes sont bien ancrées, si on cherche à les modifier, il faut ainsi avancer à petits pas et collectivement. La France a un don pour la gastronomie, et il n’y pas de raisons qu’elle n’explore pas davantage, à l’avenir la richesse culinaire du monde végétal ».
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