La pandémie de Covid-19 sera-t-elle le facteur déterminant pour les résultats électoraux des différents partis politiques lors des prochaines élections à venir ? Curieusement, les avis restent très partagés quant à son impact sur la présidentielle américaine du 3 novembre 2020.
Ainsi, l’agence de presse Associated Press avait annoncé, le 6 novembre, que les circonscriptions électorales américaines qui avaient connu les pires taux de décès dus au Covid-19 avaient voté massivement en faveur du président sortant (« Counties With Worst Virus Surges Overwhelmingly Voted Trump »). De même, la National Public Radio a déclaré que la marge de votes en faveur de Trump avait augmenté dans les circonscriptions les plus touchées (« Many Places Hard Hit By COVID-19 Leaned More Toward Trump In 2020 Than 2016 »).
D’autres analyses, qui ont ajusté les calculs avec des caractéristiques différentes des circonscriptions, ont en revanche révélé un impact négatif de la pandémie sur la marge du président sortant (L. Baccini, A. Brodeur et S. Weymouth : « The COVID-19 Pandemic and the 2020 US Presidential Election »). Selon cette méthodologie, avec 5 % de cas en moins, le résultat de l’élection américaine aurait pu être différent, grâce au fonctionnement du collège électoral.
Il est frappant de constater que l’impact de la pandémie sur les votes n’est pas plus important à vue d’œil. Mais la comparaison avec une étude sortie en document de travail sur l’impact électoral de la grippe espagnole de 1918, qui a tué entre 617 000 et 675 000 Américains (selon la méthodologie de l’estimation), est à cet égard éclairante. Elle nous montre que cette épidémie – pourtant massivement plus grave que le Covid-19 en nombre de décès – n’a eu qu’un effet négatif très faible sur les résultats des élections au Congrès en 1918, ou à la présidence du pays en 1920 (L. Abad et N. Maurer : « Do Pandemics Shape Elections ? Retrospective voting in the 1918 Spanish Flu Epidemic in the United States », Discussion Paper 15 678, Centre for Economic Policy Research).
En exploitant l’arrivée inégale de la pandémie dans les différentes régions des Etats-Unis en 1918, les auteurs montrent que les circonscriptions qui avaient eu à cette date une mortalité excédentaire deux fois supérieure à la moyenne ont vu une baisse comprise entre 0,6 et 1 point de pourcentage pour les élus sortants. C’est un impact certes significatif, mais très loin d’être une avalanche.
De même, en 1920, lors de l’élection présidentielle, ce faible impact avait plus ou moins disparu. Le candidat du Parti démocrate, James Cox, perdit l’élection face au républicain Warren Harding, mais selon les auteurs de l’étude, cette défaite n’est pas due aux faiblesses de l’administration Wilson dans la gestion de l’épidémie.
Vote rétrospectif
Que peut-on alors en déduire pour la vie politique en 2021 ? La conclusion de ces études semble être que ce que les politistes appellent le vote rétrospectif – un choix entre différents candidats conditionné par la performance des candidats sortants – ne joue qu’un rôle secondaire dans la motivation des électeurs, au moins après les pandémies.
Est-ce parce que les électeurs sont aveugles, mal informés ou obsédés par leur loyauté de parti ? Pas forcément. Les pandémies sont des évènements plutôt rares. Leur bonne gestion n’est que faiblement corrélée avec d’autres caractéristiques des régimes politiques, de nos jours comme il y a un siècle.
Ainsi la comparaison entre régimes autoritaires et démocraties n’est pas simple : la Chine a eu un faible nombre de victimes du Covid-19 par million de population, par comparaison avec la plupart des démocraties, mais Taïwan, qui est un régime démocratique, en a eu encore moins, et la Corée du Sud guère plus.