La France vient de présenter le détail de sa planification écologique. Un effort notable, mais ce qui compte avant tout, selon Frédéric Cherbonnier, est notre capacité à entraîner le reste du monde dans la même direction.
Le débat français autour de la planification écologique paraît bien dérisoire au regard des enjeux. En tenant compte de nos importations, la France représente moins de 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ce qui compte n'est pas le niveau absolu de nos efforts, mais notre capacité à entraîner le reste du monde. L'espoir a un temps reposé sur la notion de "club de pays" proposé en 2015 par le prix Nobel d'économie William Nordhaus: que quelques grands pays se regroupent pour mener une politique climatique ambitieuse en leur sein, tout en imposant une taxe sur les importations issues du reste du monde afin d'inciter les autres pays à rejoindre le club.
Hélas, la perspective d'une coalition gagnante contre le réchauffement climatique ne fait que s'éloigner. Certes, le Green Deal européen commence à prendre forme avec la mise en place ces jours-ci d'une taxe carbone aux frontières sur les principales matières premières. Mais une telle taxe n'est pas suffisante pour inciter les autres pays à suivre le mouvement, car elle ne pénalise qu'une part très marginale de leur production.
De fait, l'Inde a déjà annoncé réfléchir à la mise en place d'une taxe similaire qui ne porterait que sur ses exportations vers l'Europe! Au-delà, la montée à travers toute l'Europe d'une extrême droite s'érigeant contre une écologie jugée punitive montre que ses citoyens ne sont pas prêts à engager de véritables efforts pour préserver la planète. Dès lors qu'elle refuse pour ces raisons politiques à pénaliser les pollueurs, l'"écologie à la française" prônée par Emmanuel Macron est par nature insuffisante.
Si rien ne change, la température de notre planète va donc s'élever bien au-delà de l'objectif de 1,5 °C fixé par l'accord de Paris. Pourtant, une solution existe : diffuser dans la stratosphère des aérosols reflétant les rayons du soleil, seule technique de géo-ingénierie facilement accessible aujourd'hui pour modifier la composition de l'atmosphère et contrebalancer l'effet de serre. Un événement naturel illustre bien cette approche: le rejet de dioxyde de soufre lors de l'explosion du volcan Pinatubo en 1991 conduisit à une baisse temporaire l'année suivante de la température de la planète de près d'un demi-degré.
Apprentis sorciers
Cependant, il serait très difficile de s'accorder au niveau mondial sur la mise en oeuvre car ses effets seraient à la fois incertains et différents selon les régions du monde considérées, et donc potentiellement négatifs pour certains pays.
D'autant plus que les dégâts induits par le réchauffement climatique sont très inégalement répartis à travers le monde : l'Inde serait l'un des pays qui en souffrirait le plus, l'effet isolé sur chaque pays européen serait nettement moindre tandis que la Russie sortirait gagnante avec le dégel d'une partie de ses terres. Certains pays plus menacés que d'autres par le réchauffement climatique pourront être tentés de jouer aux apprentis sorciers en se lançant unilatéralement dans une telle aventure. Un jeu dangereux donc, d'autant qu'il suppose de ne pas s'arrêter tant que notre atmosphère n'est pas décarbonée, au risque sinon de voir les températures grimper brutalement et causer un véritable cauchemar climatique.
Mais cette menace va peut-être enfin inciter les grands pays à se coordonner pour éviter le réchauffement de notre planète - que ce soit en réduisant nos émissions ou en s'organisant au niveau mondial pour mettre en place une solution de géo-ingénierie bien contrôlée.
Article paru dans Les Echos le 5 octobre 2023
Photo d'illustration: Billy Huynh sur Unsplash