Le nouveau rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) n'apporte hélas guère plus au débat sur le réchauffement climatique que ce que l'on savait déjà: le fameux seuil de 1,5 °C sera sans doute dépassé dès la prochaine décennie.
Mais le GIEC n'est pas supposé prescrire des choix de nature politique: il tire la sonnette d'alarme sans donner les clefs pour sortir de la situation. Il ne prend jamais parti sur les différentes mesures envisageables. Tout au plus mentionne-t-il qu'un prix du carbone permet de réduire les émissions de CO2, et que celui-ci est fixé à un niveau trop bas.
Rien sur les débats autour de la possibilité d'interconnecter les marchés d'émission de différents pays (induisant un financement des efforts des pays en développement par les pays développés) ou sur la pertinence pour un club de pays vertueux d'une taxe carbone aux frontières comme l'envisage actuellement l'Union européenne - ce qui aurait potentiellement un effet d'entraînement sur le reste du monde.
Seule valeur ajoutée significative du GIEC ces deux dernières années: insister sur la nécessité d'engager des investissements pour s'adapter au réchauffement climatique. Pour autant, les politiques environnementales à travers le monde n'ont jamais jusqu'à présent réussi à s'attaquer efficacement à cette question.
C'est le cas de façon flagrante en ce qui concerneles cyclones tropicaux. Même dans un pays comme les Etats-Unis, les efforts sont tellement insuffisants que les dommages subis pour un même événement climatique y sont 14 fois plus importants que dans n'importe quel autre pays de l'OCDE.
Les raisons à cela sont multiples: difficulté à se coordonner pour décider collectivement d'un investissement, surtout s'il s'agit de protéger des populations pauvres, mais aussi mauvaise prise de conscience des risques ou encore espérance que l'Etat viendra, en dernier ressort, indemniser les victimes en cas de dégâts. Une étude récente met en avant ces deux derniers facteurs en montrant que la perspective de la mise en place dans le futur d'une régulation de l'occupation des sols visant à réduire les constructions en zone inondable conduit à une forte hausse des permis de construire dans ces mêmes zones! Et lorsque les décisions en matière d'adaptation sont laissées aux acteurs privés, les choix se portent sur des actions qui protègent trop localement (avec des digues), accroissent les risques aux alentours, et s'avèrent moins efficaces qu'une action collective (telle que la reconstitution des plages).
Le réchauffement rendra ce problème encore plus aigu. Il est très difficile de traduire les scénarios du GIEC en des risques localisés - débordement d'un fleuve ou recul du trait de côte. On peut mettre en place des protections, et les renforcer à intervalles réguliers, mais cela incite à développer l'activité sur les endroits protégés. Il restera toujours un risque résiduel que celles-ci s'avèrent sous-dimensionnées, avec des conséquences encore plus catastrophiques.
Il peut être préférable de déplacer des villages entiers vers des zones plus sûres, solution coûteuse et délicate politiquement. Le GIEC parle de risque de "maladaptation", notion présente dans l'actualité avec les fameuses mégabassines. La réponse n'est pas binaire. Certaines retenues d'eau sont sans doute justifiées, tandis que d'autres reviennent à reculer pour mieux sauter, en permettant aux agriculteurs de ne pas remettre en cause un modèle productif dépassé.
Article paru dans Les Echos le 30 mars 2023
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