2015 sera pour la France l’année de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Paris en décembre. Le président Hollande en a fait un instrument de communication pour améliorer son image et sa stature internationale. Dès le 2 janvier, son premier rendez-vous médiatique a été consacré à ce sujet lors d’un entretien à l’Elysée avec Nicolas Hulot son envoyé spécial pour la protection de la planète. Le gouvernement a été mobilisé pour préparer au mieux la conférence afin qu’elle soit un succès.
Ce début d’année est l’occasion de faire le point sur les engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur les politiques climatiques des principales parties intéressées. L’Union Européenne était partie très fort dans les années 2000 avec la ratification du protocole de Kyoto, la mise en place d’un marché du carbone pour les gros pollueurs industriels (secteur de l’énergie, cimenteries, alumineries,…) et le feu vert donné aux Etats membres pour qu’ils accordent des subventions généreuses aux énergies renouvelables. Depuis la crise est passée par là. Les tarifs de rachat de l’éolien et du solaire ont été fortement réduits. Le prix du carbone est tombé en dessous de 3 euros la tonne en 2013 après avoir dépassé les 20 euros en 2008 . Il a fluctué autour de 6 euros la tonne pendant l’année 2014. Là aussi la faute à la crise : en période de récession, la demande d’énergie baisse ce qui veut dire moins de combustion d’énergie fossile et donc moins d’émissions de CO2. Le bilan carbone en Europe des dernières années est plus lié au ralentissement économique qu’à une quelconque volonté politique. Si les engagements passés de réduction des émissions de gaz à effet de serre (de 30% en 2020 puis 40% en 2030 par rapport aux émissions de l’année 1990) sont respectés, ce sera davantage grâce à la crise qu’à un investissement massif dans la décarbonisation de l’économie. Un peu comme jadis la Russie avait été au-delà de ses engagements pris à Kyoto suite à l’effondrement de son industrie.
Le leadership en matière de politique climatique est maintenant assuré par les Etats-Unis et la Chine, les deux autres acteurs majeurs de la négociation. Les deux pays ont pris conjointement des engagements historiques en novembre dernier en marge du sommet Asie-Pacifique. Les Etats-Unis ont officialisé leur intention de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 26% par rapport aux émissions de l’année 2005 d’ici à 2025. La Chine promet de stopper l’accroissement des émissions d’ici à 2030. Ces engagements peuvent paraître relativement modestes vus d’Europe. Néanmoins, ils ont le mérite de plafonner les émissions de gaz à effet de serre de deux poids lourds des négociations climatiques qui ont longtemps rechigné à le faire.
L’engagement des Etats-Unis n’est pas une surprise. Il fait écho au Clean Power Act, une proposition de loi du gouvernement Obama dont l’objectif est de réduire les émissions des centrales thermiques aux Etats-Unis de 30% en 2030 toujours par rapport aux émissions de l’année 2005. Elle donne autorité à l’Environmental Protection Agency (EPA, l’agence de protection de l’environnement au niveau fédéral) pour fixer des normes d’émissions au niveau de chaque Etat fédéré. La norme est relative (et non pas absolue comme en Europe) : elle est définie en terme d’équivalent CO2 par megawatt-heure d’électricité produite. A charge ensuite pour chaque Etat de mettre en place les mesures adéquates afin de respecter la norme.[1] Les Etats-Unis ont déjà fait une partie du chemin en réduisant de 11% leurs émissions en 2012 par rapport à 2005. Reste 15% de réductions supplémentaires à accomplir.[2]
La position de la Chine est plus surprenante. Certes elle a profité largement des politiques d’atténuation du changement climatique. Elle a été un des bénéficiaires des investissements drainés par le « Clean Development Mechanism » faisant suite au protocole de Kyoto, notamment dans l’efficacité énergétique. La Chine est le principal fournisseur des cellules photovoltaïques dont la demande a été en grande partie subventionnée par les contribuables européens. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle se dit maintenant prête à subir les coûts économiques d’un plafonnement de ses émissions de gaz à effet de serre. Ce qui veut dire notamment ne pas exploiter pleinement ses réserves de charbon, au détriment de sa croissance économique. Comment expliquer ce revirement? Il est peu probable que les dirigeants chinois aient eu un sursaut d’empathie pour les générations futures (qui vont subir les désagréments du dérèglement climatique) ou pour les nations exposées à la montée des eaux comme les Maldives et les Seychelles. L’explication vient plutôt des polluants issus de la combustion du charbon autres que les gaz à effet de serre: les oxydes de soufre et les particules fines. La pollution locale de l’air est un problème majeur de santé publique en Chine, particulièrement dans les villes proches des centrales thermiques. Tout le monde a en tête les images de Beijing sous un brouillard de pollution qui pousse les habitants à s’équiper de filtres à air dans leurs résidences, écoles et hôpitaux. Sous la pression de l’opinion publique, les autorités chinoises ont récemment mis en place des politiques publiques pour réduire les pollutions de particules fines issues des centrales au charbon et du transport.[3] La position internationale de la Chine répond à un besoin de réduire sa dépendance au charbon pour des motifs de pollution domestique.
Les initiatives récentes en Chine et aux USA donnent donc des raisons d’être optimiste pour la conférence de Paris en 2015. Il reste cependant à savoir comment les autres acteurs de la négociation, en particulier les Etats membres de l’Union européenne, vont s’adapter à ces initiatives. Une affaire à suivre toute au long de l’année 2015.
Note: Retrouvez cet article sur La Tribune
[1] Source : EPA : http://blog.epa.gov/epaconnect/2014/06/understanding-state-goals-under-the-clean-power-plan/
[2] Source : https://energyathaas.wordpress.com/2014/11/17/clinton-well-gore-went-to-kyoto-obama-went-to-beijing/
[3] Source : http://english.mep.gov.cn/News_service/infocus/201309/t20130924_260707.htm /
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