L'émission d'obligations est très importante pour le financement des entreprises. Pour que les investisseurs soient prêts à acheter ces titres a bon prix {et ainsi offrent des bonnes conditions de financement aux entreprises), il faut que le marche obligataire soit liquide. Or des motifs d'inquiétude ont été relevés récemment. La capacité des banques à fournir de la liquidité sur ce marché est réduite par les exigences en capital. L'achat d'obligations en grande quantité par la banque centrale pourrait risquer de siphonner la liquidité. Peut-être est-il temps de reconsidérer la structure du marche obligataire, pour lui permettre d'être liquide, même en cestemps troubles.
L'organisation du marché des obligations est différente de celle du marche des actions. Les actions sont échangées directement entre investisseurs, dans des carnets d'ordres électroniques transparents. Les obligations sont échangées par l'intermédiaire de teneurs de marche, lors de negociations bilatérales et, en Europe, sans aucune transparence (pre- ou post-trade). Ces différences d'organisation reflètent-elles des différences, structurelles, entre actions et obligations et entre leurs détenteurs ? C'est ce qu'affirment les partisans de l'actuelle organisation du marché obligataire. Les obligations sont souvent détenues par des compagnies d'assurances ou des fonds de pension dans une perspective de long terme, voire jusqu'à maturité. De plus, alors qu'il n'existe qu'une catégorie action pour chaque entreprise, il existe souvent de nombreuses obligations, de caractéristiques différentes. Ces facteurs, qui tendent à reduire la liquidité, impliquent-ils que seule serait possible l'mtermédiation par des teneurs de marché, dans un marché opaque ?
L'architecture des marchés obligataires n'est pas une constante universelle. Aux Etats-Unis, jusqu'aux années 40, les obligations d'entreprise étaient négociées, grâce à un système de carnet d'ordres transparent, sans teneur de marché, sur le parquet de la Bourse de New York (Nyse). La fourchette de prix (bid-ask spread) moyenne dans ce marché s'établissait un peu en dessous de I %. Il est frappant que, apres plus d'un demi-siècle de progrès technologique et financier, le coût de transaction pour les petits ordres n'ait pas vraiment diminué par rapport a cette epoque.
S'agit-il la d'une structure révolue ? Un article récent, de Menachem Abudy et Avi Wohl, de l'université de Tel Aviv, montre qu'en Israel, les obligations d'entreprise sont négociées a la Bourse de Tel Aviv, dans le cadre d'un carnet d'ordres électronique transparent, tout comme les actions. En Europe et aux Etats Unis, particulièrement pour les ordres de petite taille, le coût de transaction est bien plus élevé sur les marches d'obligations que sur les marchés d'actions. A l'inverse, Abudy et Wohl estiment que le bid-ask spread moyen s'élève à 0,077 % pour les obligations et à 0,087 % pour les actions.
L'exemple de la Bourse de New York jusqu'aux années 40 et celui de la Bourse de Tel Aviv aujourd'hui montrent qu'un marché obligataire efficace et liquide est possible dans le cadre d'un carnet d'ordres transparent. Et pourtant, nombreuses sont les tentatives de developpement de plates-formes électroniques de négociation des obligations d'entreprise qui ont échoué. Pourquoi ces échecs ? Lorsqu'on part d'une situation où la majorité des transactions sont concentrées dans les mains de quèlques teneurs de marché - qui disposent ainsi d'une très bonne information sur l'offre, la demande et la valeur des titres -, il est difficile de proposer une offre de liquidité concurrente. Moins informée, elle serait victime d'un problème de malédiction du vainqueur : l'offre d'achat placée dans le carnet d'ordres ne serait touchée que par les ordres « toxiques » dont ne voulaient pas les grands teneurs de marche.
Pour permettre le developpement d'une offre de liquidité concurrente, il est nécessaire de réduire cette asymétrie d'information. Une première étape serait d'introduire la transparence (post-trade) des prix de transaction, qui permettrait à tous les participants du marché d'avoir une meilleure estimation de la valeur des titres. Aux Etats-Unis, la regulation TRACE (Trade Reporting and Compliance Engine) a imposé la transparence au marché obligataire. Suivre cet exemple permettrait aux entreprises françaises de se financer sur un marché obligataire bénéficiant d'une plus grande liquidité et d'une plus grande efficacité informationnelle.