Suite à une disposition de la Loi dite « Macron », l'Article L2111-10-1 du Code des Transports sanctuarise de fait la dette de SNCF Réseau dont l'évolution doit être telle que le ratio dette / marge opérationnelle reste en de ça de 18%, soit le niveau des comptes de 2014. En pratique cela laisserait peu de marge pour qu'une nouvelle infrastructure ferroviaire soit financée en augmentant la dette de la SNCF, sauf à augmenter fortement la marge opérationnelle de SNCF Réseau par l'augmentation des péages ferroviaires mais cela rendrait délicat, pour l'opérateur de transport- SNCF Mobilités - la réalisation de l'équilibre économique de l'exploitation.
De la bonne dette publique...
Du coup, pour financer les nouvelles LGV, l'État et les collectivités territoriales devront, très prosaïquement, « cracher au bassinet ». Compte tenu de la baisse des dotations de l'État, de leur endettement - pour certaines déjà trop élevé - et de la résistance des électeurs à l'augmentation des impôts, les collectivités territoriales auront bien du mal à aller au-delà des engagements qu'elles ont déjà pris dans cadre du financement de Tours-Bordeaux.
Et dans le jeu du « tu me tiens - je te tiens par la barbichette » avec ces collectivités, l'Etat se retrouve bien en première ligne pour débusquer les 13 milliards d'euros nécessaires pour financer les LGV Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan. Il devra donc, à peu près sûrement, augmenter la dette maastrichtienne de la France puisqu'il ne peut plus se défausser sur la SNCF. Nos amis européens risquent de ne pas apprécier la plaisanterie vu les risques que notre niveau d'endettement fait courir à toute la zone euro.
Mais si la rentabilité économique et sociale de ces LGV est avérée, « ON » pourra toujours plaider qu'il s'agit d'augmenter la « bonne » partie de la dette, celle qui favorise la croissance, d'autant que la France peut emprunter à des taux dérisoirement bas.
Une rentabilité acceptable
Débarrassée de l'improbable branche Bordeaux-Dax (comment imaginer que la bonne ville de Dax puisse, à elle seule, générer assez de trafic pour financer une infrastructure dont chaque kilomètre coûte au bas mot 20 millions ?), la LGV Bordeaux-Toulouse (en gros 5 à 6 milliards) a une rentabilité acceptable, rentabilité qui va aller en s'améliorant grâce au développement économique prévisible de Toulouse. Comme d'autres grandes opérations d'investissement arrivent à leur terme, il n'est alors pas complétement farfelu d'envisager que le destin de cette infrastructure se concrétise favorablement.
Un financement privé?
On pourrait être même franchement optimiste si un financement privé pouvait s'ajouter utilement à l'argent public rare et cher. Pourtant tout un chacun semble refroidi - pour ne pas dire plus - par la tournure des négociations autour de la concession concernant Tours-Bordeaux. Avant de jeter le bébé avec l'eau du bain, cette option devrait cependant être explorée. La mise en concurrence de différents groupes pour l'obtention de la concession sur Bordeaux-Toulouse permettrait de comparer avec ce qui se passe pour les LGV en cours de construction (Tours-Bordeaux, Bretagne-Pays de Loire et Contournement de Nîmes-Montpellier), alimenterait les décideurs en information pertinente et leur apporterait des degrés de liberté qu'ils ne manqueraient pas d'appliquer, en bons pères de famille bien sûr, aux fins d'une gestion économe des deniers publics, c'est-à-dire pour une répartition plus raisonnable entre financement par le contribuable et par le voyageur.
Un appel d'offres pour exploiter Paris-Bordeaux-Toulouse?
Et ne parlons pas de ce qui se passerait si l'ensemble de l'exploitation de la ligne Paris - Bordeaux - Toulouse pouvait être proposée, au travers d'un appel d'offres, aux grands opérateurs ferroviaires de taille internationale et serait ensuite assuré, dans le cadre de contrat de gestion, par celui qui aura proposé la meilleure proposition de service, en vue notamment d'une baisse des coûts de fonctionnement. Même pas en rêve ? Certes le cadre légal n'existe pas encore pour un tel scénario, mais c'est tout d'abord une affaire de volonté politique. Et notre opérateur historique n'a-t-il pas toute l'énergie et la compétence pour être gagnant dans une telle procédure, classiquement utilisée pour organiser le fonctionnement et la gouvernance des industries de réseau ?
Ajouter au menu les LGV Montpellier-Perpignan, Toulouse-Narbonne et inévitablement Bordeaux-Dax-Espagne risquerait d'être trop indigeste pour l'Etat. En revanche, avec l'élection présidentielle dans 15 mois qui ouvre des espaces, les élu-e-s du Sud-Ouest sauront profiter de l'alignement actuel des planètes pour marquer entre les poteaux et remporter Bordeaux-Toulouse. Et ce sera d'autant plus facile qu'ils seront prêts à envisager d'autres formes de financement et de gestion du service public.
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