Oui à l’écotaxe sociale

20 Mai 2014 Environnement

Un rapport parlementaire a récemment recommandé deux modifications au projet d’écotaxe tant controversé. La premier est de l’ordre du marketing: rebaptiser la taxe “éco-redevance poids lourds”. La deuxième est plus intéressante d’un point de vue économique. Il s’agit d’exempter les transporteurs des premières centaines de kilomètres parcourus. Calculée sur une base de 400 km par mois en euros à taux plein, cette franchise serait plus généreuse pour les véhicules les moins polluants et dommageables pour la chaussée. Le nombre de kilomètres gratuits serait également plus élevé dans les régions périphériques comme la Bretagne et Midi-Pyrénées.

Ce type de taxation avec exemption pour les premiers kilomètres consommés n’est pas sans rappeler le système de tarification de l’eau dit « social ». Il consiste à offrir gratuitement ou à prix réduit les premiers mètres cubes d’eau consommés. Ainsi les besoins essentiels d’usage de l’eau (alimentations, hygiène, …) sont satisfait à peu de frais. Le rapport reprend cette logique en ne tarifant pas les petits trajets, en réduisant la facture des petits transporteurs.

L’écotaxe a une double vertu : elle est efficace et équitable. Il est juste de faire payer le coût des infrastructures routières (investissement et maintenance) par ceux qui les utilisent (les transporteurs routiers) et non pas tous les contribuables. Il est aussi efficace que le coût des infrastructures soit intégré dans le service de transport routier à l’instar des modes de transport de marchandise alternatifs. En effet, les entreprises de fret ferroviaires payent un droit d’accès au réseau sous forme de redevances à Réseau Ferré de France et les transporteurs aériens des taxes d’aéroports. Ne pas intégrer ces coûts pour le transport routier amène à rendre plus compétitif un service qu’il ne l’est réellement par rapport aux services concurrents.  Ce coût doit être proportionnel avec l’usage c’est à dire le nombre de kilomètres parcourus.

L’exemption des premiers kilomètres parcourus est un compromis pour améliorer l’acceptabilité de la mesure tout en conservant son caractère incitatif garant de son efficacité. Les transporteurs devront intégrer les coûts d’usages des infrastructures dans leurs charges au prorata du service fourni. La mesure reste équitable puisque les plus gros usagers des infrastructures routières vont payer une plus grosse part de son financement. Elle répond à une inquiétude des transporteurs de devoir supporter entièrement ce coût supplémentaire au détriment de la viabilité de leur activité.

Cette inquiétude est-elle fondée? Probablement non selon la théorie économique.  Ce que l’on enseigne à nous étudiants dans les cours de microéconomie est que la répartition d’une taxe entre les parties prenantes dépend des élasticités prix relatives de l’offre et de la demande. Ici l’offre est déterminée par les transporteurs et la demande par le commerce de détail. Entre un secteur du transport routier particulièrement compétitif avec de fables coûts d’entrée et celui de la grande distribution particulièrement concentrée en France, tout porte à penser que le plus gros de la taxe sera répercuté dans les transporteurs et absorbé par les détaillants voire les consommateurs finaux. Le prix des produits reflètera davantage leur coût réel de transport.

Quant à la recommandation de rebaptiser l’écotaxe « éco-redevance poids lourds », il s’agit ici aussi d’améliorer l’acceptabilité de la mesure mais par ce que nos dirigeant appellent de la « pédagogie ». Néanmoins, la mission parlementaire aurait pu faire preuve de plus d’imagination. Pourquoi pas remplacer « redevance » par le mot « contribution » qui a un sens plus collectif, plus coopératif ? Et ajouter les termes « service » et « public » que l’on voit si souvent sur les banderoles des manifestants? Quelques chose comme « contribution au service public des infrastructures routières ». Qui n’est pas sans rappeler la fameuse « contribution au service public de l’électricité » (CSPE). Une taxe qui ne cesse de gonfler nos factures d’électricité comme nous l’ont rappelé récemment Claude Crampes et Thomas-Olivier dans ce blog. Et sans mobiliser des bonnets rouges qui auraient, pour le coup, une bonne raison de se couvrir la tête.... 

 

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