Les étudiants sont de plus en plus nombreux dans les universités françaises. Au cours de la dernière décennie, les inscriptions en faculté de médecine et de droit ont augmenté de 30 et 18 %, respectivement. Encourager la réussite d’un si grand nombre d’étudiants dont les niveaux de formation sont inégaux est un défi majeur pour le système éducatif français. Face à cette situation, le gouvernement a adopté un certain nombre de politiques pour augmenter le taux d’obtention des diplômes en premier cycle. Beaucoup d’entre eux choisissent des formations auxquelles ils sont mal préparés, ce qui explique les mauvaises performances, le découragement et le taux d’abandon en résultant. La majorité des étudiants qui n’obtiennent par leurs examens finaux en première année (environ 50 % de chaque groupe entrant) échouent souvent en raison d’une inadéquation entre les exigences des cours et leurs propres compétences.
Une démarche de conseil gratuite
La démarche d’Orientation active instaurée en 2009 permet d’informer les lycéens de leurs chances de réussite dans les filières auxquelles ils envisagent de s’inscrire. La plupart des universités choisissent de faire parvenir aux étudiants un retour écrit sur le diplôme choisi en fonction de leurs notes et leur lettre de motivation. Ces recommandations n’étant pas obligatoires, il est primordial pour les universités et décideurs politiques d'évaluer dans quelle mesure les futurs étudiants prennent en compte ce retour lorsqu’ils choisissent leur université, en particulier s'agissant des étudiants les plus faibles, qui ont le plus de chances d'échouer.
L’article de Nina Hestermann et Nicolas Pistolesi se concentre sur les étudiants encouragés à modifier leurs choix en matière d’orientation car leurs compétences, notamment en mathématiques et raisonnement abstrait, sont insuffisantes pour obtenir le diplôme. Les données utilisées proviennent des départements d'une grande université française, l'un ayant choisi de fournir aux futurs étudiants le retour précédemment présenté, à l’inverse des autres départements. Les chercheurs ont donc tiré parti de cette expérience naturelle pour comparer les taux d’inscription des différents départements avant et après la mise en œuvre de la politique de conseil, obtenant ainsi une estimation de l’effet de causalité de la politique.
Changement de cap
Les chercheurs constatent que la réception d’un retour négatif réduit le taux d'inscription des étudiants au diplôme de 7 points de pourcentage. Cette chute est une conséquence notable si on la compare à la probabilité moyenne d'inscription de 35 % avant la mise en œuvre de cette politique. Cela montre que les candidats les plus faibles, qui sont peut-être également les moins informés des exigences du diplôme, modifient leur choix lorsqu'ils sont conseillés. En d'autres termes, la démarche d’orientation active semble réduire les inadéquations entre étudiants et diplômes universitaires. L’impact de l’effet de dissuasion entraîné par un retour négatif varie selon les diplômes concernés et n’est pas toujours significatif au seuil de 10 %. L’effet est d'autant plus important sur les étudiants vivant dans la même région que l’université choisie, et sur ceux dont la spécialisation au lycée correspond moins au domaine du diplôme visé.
Les différentes approches peuvent considérablement modifier l’ampleur de l’effet. Une étude parallèle menée en 2016 par Nicolas Pistolesi utilise les mêmes données en se basant sur une note en mathématiques en dessous de laquelle le personnel de l’université doit émettre des réserves vis-à-vis du choix de l’étudiant. Cela lui permet de comparer les décisions des étudiants dont les notes sont juste en dessous et juste au-dessus du seuil. Mis à part les conseils qu'ils reçoivent, ces deux groupes sont très similaires. Dans ce contexte, le retour négatif diminue la probabilité d’inscription d’environ 14 points de pourcentage. La différence de résultats entre les deux études suggère que les étudiants dont les notes avoisinent le seuil ont plus tendance à modifier leur décision après un retour négatif.
Anticipation
Nina Hestermann et Nicolas Pistolesi souhaitent examiner plus en profondeur l’efficacité de la politique de conseil, en se penchant sur l’orientation des étudiants qui changent d’avis. Ils veulent également étudier les potentielles évolutions des taux d’abandon après la première année, en prenant en compte les notes moyennes pour les examens de première année ou les taux d’obtention des diplômes après trois ans. Pour évaluer la démarche d’orientation active, il est essentiel de déterminer si elle permet aux étudiants d'obtenir de meilleurs résultats, et si les étudiants qui ignorent le retour négatif sont moins bons dans leurs études futures.
Extrait du TSE Mag#18 Hiver 2018