L'analyse économique suggère-t-elle de sortir de l'euro ? Et indique-t-elle que la sortie d'une monnaie partagée par plusieurs pays est possible ?
La théorie des zones monétaires optimales a été proposée en 1961 par Robert Mundell, qui a reçu le prix Nobel d'économie pour cette contribution.
Considérons deux régions (A et B), dotées de technologies de production différentes.
Supposons que la demande augmente pour les produits de A et diminue pour ceux de B. Si les prix nominaux et les salaires nominaux ne peuvent s'ajuster à la baisse, la région B ne peut s'ajuster au choc, et le chômage risque de croître.
Maîs une dépréciation de la devise et une augmentation de l'inflation dans la region B permettraient de reduire prix et salaires réels. Dans ce contexte, il serait coûteux pour B de s'engager à avoir la même monnaie que A : ces deux régions ne forment pas une zone monétaire optimale.
Hélas, depuis les annees 1970, il est apparu que l'inflation et la dépréciation ne permettaient pas de procéder à des ajustements de fond et de lutter efficacement contre le chômage. Si les travailleurs anticipent une forte inflation, réduisant leur pouvoir d'achat, ils demandent des augmentations salariales, si bien que le salaire réel ne baisse pas. Si l'autorité monetaire ne peut s'engager à résister aux tentations inflationnistes, inflation et chômage progressent de concert. Kydland et Prescott, en particulier dans l'article de 1977 qui leur valut le prix Nobel, montrent qu'il vaut mieux que le gouvernement abandonne volontairement son pouvoir en matière monétaire, et le confie à une banque centrale indépendante.
Dans la mesure où celle-ci peut s'engager sur une politique rigoureuse, elle évite une spirale inflation-chômage.
En phase avec la théorie de Kydland et Prescott, le passage à une autorité monétaire indépendante pour toute la zone euro a contribué à établir un environnement monétaire stable, facilitant la coordination des anticipations des agents économiques, et leur permettant d'inscrire leurs plans dans la durée. L'euro a réduit le risque de change pour les entreprises, et bien sûr l'a annulé à l'intérieur de la zone euro, qui représente la majeure partie de notre commerce extérieur. Enfin, il a contribué à la baisse des taux d'intérêt, qui bénéficie aux entreprises en réduisant leur coût de financement.
Ces bénefices seraient perdus en cas de sortie de l'euro. Les déposants, craignant une baisse de la valeur de leurs avoirs monétaires (liée à leur conversion en francs moins forts que l'euro),
seraient tentés de retirer leurs dépôts des banques pour les convertir en actifs réels ou en devises étrangères. Cela fragiliserait les banques, et pourrait les pousser au bord de la faillite.
La dette de l'Etat, des banques et des entreprises serait difficile à servir en francs dévalués. Cela pèserait sur le déficit budgétaire de l'Etat et sur la santé des entreprises et pourrait conduire à des défauts, préjudiciables aux entreprises, aux banques et à l'état. La dépréciation de la devise rendrait plus chers les produits importés, faisant baisser le pouvoir d'achat des ménages et augmenter les coûts des entreprises. Elle serait suivie d'une volatilité élevée de la devise, et donc d'un accroissement du risque de change. Cela créerait un environnement difficile et coûteux pour nos entreprises (imaginons par exemple les conséquences pour une entreprise comme Airbus). Enfin, un retour de l'inflation réduirait le pouvoir d'achat des retraités, dont les revenus nominaux sont fixes.
Craignant le contrôle des mouvements de capitaux, le risque inflationniste et de défaut, les investisseurs étrangers seraient réticents a s'engager en France.
Ils refuseraient d'acheter les obligations émises par les banques aussi bien que les titres émis par l'Etat, et les actions émises par les entreprises, sauf a des prix faibles.Cela conduirait à l'augmentation de la charge de la dette pour l'état et les entreprises, menaçant l'équilibre du budget de l'Etat et l'investissement des entreprises.
Sortir de l'euro serait très dommageable à l'économie française. Certes, la construction europeenne doit être réformée, maîs pas en abandonnant l'euro.