Comment réagir face au réchauffement de notre planète ? Question complexe qui suppose d'estimer le risque climatique, les dommages potentiels, les investissements à engager pour y faire face, mais également d'arbitrer dans le temps : faut-il attendre d'être plus avancé technologiquement ou d'en savoir plus, ou au contraire agir dès maintenant par précaution ? Ces considérations ont amené le prix Nobel W. Nordhaus à préconiser au début des années 1990 un objectif peu ambitieux : limiter le réchauffement à 3,5 °C via une modeste taxe carbone (entre 5 et 20 dollars la tonne de CO2). Avec l'avancée des connaissances, ces estimations se sont affinées et sont désormais proches de ce qui est évoqué dans les négociations sur le climat : un plafond à 1,5 ou 2 °C, et une taxe carbone démarrant dès maintenant à un niveau élevé (de l'ordre de 100 dollars la tonne de CO2).
La complexité de ce débat a brouillé le message, le moindre argument pour ne rien faire étant facilement mis en avant par nos politiques. Attendre pour en savoir plus, telle a été l'une des principales raisons avancées pour retarder les efforts. Ceux-ci sont en effet en grande partie irrévocables - à l'instar des scénarios présentés récemment par RTE, qu'il s'agisse de renouveler le parc nucléaire ou d'installer de considérables capacités photovoltaïques et éoliennes. La théorie des « options réelles » formalisée par les économistes McDonald et Daniel Siegel en 1986 montre tout l'intérêt qu'il peut y avoir à attendre avant de prendre une décision irréversible. Mais ce raisonnement ne tient pas compte de ce que l'incertitude climatique relève davantage d'une « incertitude radicale » au sens de Knight : il s'agit d'un risque non mesurable et, comme l'a souligné récemment l'économiste Robert S. Pindyck, attendre davantage ne nous permettra sans doute pas de mieux cerner ce risque.
L'une des principales sources d'incertitude concerne la réaction de notre planète à l'effet de serre. Celle-ci est modélisée à travers un paramètre de « sensibilité climatique » qui correspond à l'élévation de la température consécutive à un doublement de la teneur en dioxyde de carbone de l'atmosphère. Le prix Nobel de chimie Svante Arrhenius a été le premier à calculer ce paramètre, l'estimant à 4 °C en 1906. Le dernier rapport du GIEC considère désormais qu'il se situe probablement dans une fourchette comprise entre 2,5 °C et 4 °C, mais des travaux parus récemment dans la revue « Nature » évoquent la possibilité que ce paramètre puisse être plus proche de 5 °C. Depuis le début du siècle dernier, la connaissance en la matière a donc peu évolué, alors que la concentration en gaz à effet de serre est passée de 280 ppm, avant l'heure industrielle, à plus de 500 ppm aujourd'hui.
Les négociations climatiques tournent désormais autour d'un objectif plus facile à appréhender : la « neutralité carbone » en 2050, soit diminuer puis compenser toutes nos émissions par captation à la source ou dans l'air. La Conférence de Glasgow ne donne pas l'impression que le monde s'apprête à respecter cet objectif, mais même si cela était le cas, il faut se rendre à l'évidence : la planète va se réchauffer, nul ne sait à quel point et on ne le découvrira que très progressivement ! Dorénavant, nos sociétés vivront avec une épée de Damoclès. Le secteur de l'assurance et de la réassurance saura-t-il nous couvrir contre ces aléas climatiques, rien n'est moins évident ! En tout état de cause, dans ce nouveau monde, la prévention et la mutualisation des risques joueront un rôle considérable.
Article paru dans Les Echos le 9 décembre 2021. Copyright Les Echos.fr
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