Une Catalogne indépendante serait-elle viable économiquement ? Resterait-elle dans l'euro ? A ces deux questions, la réponse est oui.
Premièrement : quelle est la taille optimale des nations ? Notons d'abord qu'en Europe les pays les plus prospères sont des petits pays (Scandinavie, Autriche, Suisse, Benelux...), alors que les gros pays (France, Italie, Espagne, mais pas l'Allemagne) ont souvent des difficultés à s'ajuster et à se réformer.
Des arguments de part et d'autre
Les économistes Alberto Alesina (Harvard) et Enrico Spolaore (Tufts) ont étudié la question en 2003 dans « The Size of Nations ». Ils écartent volontairement les considérations historiques et politiques et analysent les avantages et inconvénients économiques d'être un gros ou un petit pays. Ils trouvent deux arguments de part et d'autre.
Premier argument (A) en faveur de la grande taille : la défense. Les petits pays se font historiquement dévorer par les gros ; la grande taille protège militairement.
Second argument (B) en faveur de la grande taille : le commerce extérieur et le marché intérieur. Les grands pays peuvent plus facilement, dans les négociations, ouvrir les marchés étrangers. Ils bénéficient aussi d'un large marché intérieur, qui favorise la croissance de leurs entreprises domestiques (cf. Etats-Unis).
De l'autre côté, le premier argument (C) en faveur des petits pays est l'homogénéité des préférences des électeurs. Dans un petit pays, avec souvent une forte unité culturelle, il est plus facile et plus rapide de prendre des décisions, même douloureuses (cf. Scandinavie vs. Etats-Unis).
Dernier argument (D) en faveur de la petite taille : les petits pays s'ajustent plus vite et mieux que les gros, car ils prennent le monde et la demande internationale comme donnés et ne tentent pas de retarder les échéances de la réforme. Une fois de plus, on pense aux pays scandinaves vs. la France.
La protection et le marché
Un pays lambda doit arbitrer entre ces quatre critères de sens opposés. En revanche, dans l'Union européenne - et a fortiori dans la zone euro -, les quatre arguments vont dans le même sens : il est plus efficace d'être un petit pays. Car, dans l'UE, C et D demeurent, alors que l'appartenance à l'UE et/ou à l'Otan donne la protection militaire, et parce que l'UE fournit à la fois le marché unique continental et une politique commerciale très ouverte avec le monde.
Donc, l'UE et la zone euro rendent les petits pays plus efficaces et plus agiles, sans les inconvénients. A ce titre, une Catalogne indépendante serait plus efficace et plus prospère qu'une Catalogne intégrée dans l'Espagne.
Seconde question : une Catalogne indépendante serait-elle dans l'UE et l'euro ? La réponse est paradoxalement oui. Certes, les textes officiels de l'UE ne prévoient rien et Bruxelles a dit qu'une Catalogne indépendante devrait sortir de l'UE et repasser toutes les étapes de l'accession. Mais c'est contre l'intérêt de tous, surtout de Madrid.
Supposons que la Catalogne accède à l'indépendance et soit exclue de l'UE et de l'euro. D'une part, elle ne serait pas fondée à reprendre sa quote-part de la dette publique de l'Espagne (100 % du PIB aujourd'hui), ce qui plongerait l'Espagne dans une grave crise de dette et d'austérité ; d'autre part, la disruption du commerce international passant par la Catalogne (principale voie terrestre pour les échanges espagnols) serait très dommageable pour l'Espagne.
Enfin, l'Europe ayant tout fait pour que la Grèce ne sorte pas de la zone euro, on la voit mal laisser la Catalogne sortir contre son gré. Seule une appartenance à l'UE et à l'euro d'une Catalogne indépendante serait viable pour Madrid, Barcelone et l'UE.
Il ne nous revient pas ici de discuter de la légitimité politique ou constitutionnelle de l'indépendance de la Catalogne. Mais, en cas d'indépendance, la Catalogne serait prospère. Et, surtout, elle demeurerait membre de l'UE et de la zone euro. Donc, dans tous les cas, la Catalogne demeurera dans l'euro, c'est pourquoi les marchés ne craignent pas la crise catalane actuelle.
En savoir plus sur LES ECHOS.FR