TSE MAG 27 – Malbouffe toxique

19 Novembre 2024 Santé

Cet article a été publié dans le magazine de vulgarisation scientifique de TSE, TSE Mag. Il fait partie du numéro paru à l'automne 2024, dédié à la santé. Découvrez le PDF complet ici et écrivez-nous pour recevoir une copie imprimée ou nous partager vos impressions à cette adresse.

Une alimentation saine réduit considérablement le risque de maladies chroniques non transmissibles, telles que les maladies cardiaques, le diabète et le cancer, qui sont responsables des trois quarts des décès dans le monde. Alors nous avons demandé à deux expertes de TSE comment mieux manger. 

POURQUOI LES ALIMENTS ULTRA-TRANSFORMÉS SONT-ILS MAUVAIS ?

CATARINA GOULÃO : Les produits ultra- transformés prennent une place de plus en plus importante dans notre alimentation. Ces produits contiennent généralement trop de sel, de graisses et de sucres, et pas assez de fibres et de vitamines, favorisant la prévalence de l'obésité et des maladies chroniques. Alors que les aliments ultra-transformés représentaient 14 % de notre alimentation dans les années 90, en 2015, cette part a plus que doublé pour atteindre 36 %. 

En comparant les ménages français sur une période de 10 ans, nous avons constaté que les consommateurs de produits ultra-transformés sont souvent en surpoids, en situation de précarité et vivent dans des régions rurales ou dans le Nord ou l’Est de la France. Certains évènements de vie tel que l’arrivée d’un enfant ou le fait de devenir célibataire semblent encourager la consommation de ces produits. Les jeunes générations, qui y sont plus exposées, en consomment également davantage. Ce qui, à terme, risque de dégrader plus encore, la qualité de l’alimentation des Français. 

COMMENT LES GOUVERNEMENTS PEUVENT-ILS AGIR ?

CÉLINE BONNET : Les labels alimentaires et les campagnes de recommandation sont des outils politiques courants. Pierre Dubois et moi-même avons constaté que le label français Nutriscore a réussi à promouvoir des produits hautement nutritionnels. Mais les taxes sur les produits malsains (voir ci-dessous) ou les politiques de régulation de l’offre alimentaire pourraient être mieux adaptées pour décourager la malbouffe. Par exemple, les recherches que j'ai menées avec Valérie Orozco préconisent de restreindre la restauration rapide. Catarina Goulão, Helmuth Cremer et Jean-Marie Lozachmeur ont montré que, sur le marché des sodas, la taxation basée sur le contenu en sucre des produits doit être associée à une taxation volumétrique pour tenir compte de la reformulation des produits par l'industrie en réponse aux taxes. 

L’efficacité des taxes visant uniquement certains aliments malsains pourrait être réduite par les comportements de substitution des consommateurs qui se tourneraient vers d’autres produits tout aussi malsains. Une taxe sur les boissons sucrées peut augmenter la consommation de biscuits, par exemple, ou une taxe sur le sucre peut encourager l'industrie alimentaire à ajouter plus de sel, de graisses et d'édulcorants artificiels dont les conséquences sur la santé sont également néfastes. 

Les politiques visant les produits ultra- transformés dans leur ensemble – comme la taxe colombienne sur les produits riches en sucre, sel et gras – pourraient être plus efficaces. Nous montrons que, lorsque les prix des produits ultra-transformés augmentent, les consommateurs se tourneraient vers des produits non ultra- transformés. Cette politique permettrait de mieux cibler populations vulnérables telles que les jeunes et les plus précaires, qui semblent particulièrement réceptifs aux changements de prix. 

Les taxes sur les produits malsains visent à réduire la consommation de biens "nocifs" - tels que l'alcool, le tabac, les produits ultra-transformés ou les jeux d'argent – en augmentant leur prix.